La Gondoire et les PFAS : un défi sanitaire et environnemental
Le ru de la Gondoire, un cours d’eau de 12 kilomètres reliant Jossigny à Torcy, figure parmi les sites français où la présence conséquente de PFAS [lire PIFAS] a été détectée, selon une cartographie publiée par Le Monde en 2023 (1). Ces composés chimiques, tristement célèbres pour leur persistance dans l’environnement, suscitent des inquiétudes croissantes, notamment de l’ANSES (2), en raison de leurs effets potentiels sur la santé humaine et les écosystèmes.
Les premières analyses significatives de PFAS dans le ru de la Gondoire, réalisées à Saint-Thibault-des-Vignes, remontent à 2016, d’après les données de la plateforme Naiades (3). Un pic de pollution de 354 ng/l a été enregistré en octobre 2019 et un second de 372 ng/l le 15 mai 2024 (voir graphique)(3 bis). À ce jour, aucune étude officielle n’a été menée permettant de déterminer la ou les sources de pollution ou d’établir un lien direct entre des événements spécifiques et ces pics de contamination. La Gondoire serait-elle la seule victime des « polluants éternels » ?

Des questions qui demandent réponses
– Les sols, les cultures, les plans d’eau, les nappes alluviale et phréatique pourraient-ils être également contaminés ? À ce jour, aucune donnée publique ne permet de répondre à cette question cruciale (4).
– Les normes actuelles sont-elles réellement suffisantes ? Si des seuils précis existent pour l’eau potable et pour les rejets aqueux des stations d’épuration, des mesures sur les rejets par les incinérateurs d’un certain nombre de PFAS (afin d’évaluer leur performance en matière d’élimination), ne sera obligatoire qu’à partir de 2026 et s’étendront jusqu’à fin 2027 selon le type d’installation. (5, 6).
Un appel à des investigations approfondies
L’ANSES recommande depuis 2023 une surveillance accrue des PFAS, en raison de leurs effets potentiels sur la santé, notamment des troubles hormonaux et des risques cancérogènes liés à une exposition prolongée (2). Cependant, les conséquences d’une contamination chronique sur les écosystèmes locaux et les populations riveraines de la Gondoire restent insuffisamment documentées.
L’association Coteau&Vallée de la Marne plaide pour :
1. La réalisation d’une cartographie exhaustive des sources de PFAS dans un périmètre de 1 500 mètres autour du point identifié sur la Gondoire.
2. La réalisation de nouveaux prélèvements et analyses des dépôts atmosphériques (7) dans les zones sensibles situées dans ce même rayon de 1 500 mètres.
3. La conduite d’une étude approfondie sur l’imprégnation des populations vivant à proximité des sources de PFAS identifiées.
4. Le renforcement de la transparence, notamment par la publication des données relatives à la surveillance des émissions industrielles de PFAS et la mise en place un comité de surveillance incluant des citoyens.
Vers un objectif ambitieux : zéro PFAS rejetés
Ce dossier illustre les défis posés par les « polluants éternels » dans un contexte où la réglementation évolue lentement. Bien que des avancées soient prévues, notamment avec l’entrée en vigueur de nouvelles normes européennes en 2026, de nombreuses voix, dont l’académie des sciences (8), appellent à accélérer les efforts.
S’appuyant sur les enseignements tirés des analyses passées et récentes, ainsi que sur les résultats de la cartographie et de l’étude épidémiologique envisagée, l’objectif d’un « zéro rejet de PFAS » pourrait s’imposer comme une priorité pour les autorités locales et les industriels de la région. Cet engagement représenterait également une contribution significative au plan interministériel (9) dédié à la gestion des PFAS.
Si cette ambition venait à se concrétiser, la Gondoire pourrait devenir un site pilote pour les recherches menées par l’Ineris, incarnant un symbole fort dans la lutte contre les polluants persistants. Une telle initiative offrirait des perspectives prometteuses pour la préservation des écosystèmes et garantirait un avenir plus sain aux habitants de Seine-et-Marne vivant à proximité des zones de contamination.
Poursuivre le débat : https://www.facebook.com/groups/577452978757248/
▶️ Suite aux informations publiées concernant la pollution de la Gondoire, l’association Coteau et Vallée de la Marne s’est adressée aux présidents des deux intercommunalités, Marne & Gondoire et Paris Vallée de la Marne, qui détiennent la compétence « Gestion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations » (GEMAPI). L’objectif était de savoir s’ils en avaient été informés. Dans l’affirmative, l’association souhaitait être informée des démarches engagées pour identifier l’origine du problème et envisager des solutions permettant de le résoudre. Dans le cas contraire, elle a demandé quelles mesures ou actions étaient prévues à la lumière des informations communiquées.
Cet article repose sur des données publiques et des interrogations légitimes. Les entités mentionnées disposent d’un droit de réponse, que la rédaction s’engage à publier.
(1) https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/02/23/polluants-eternels-explorez-la-carte-d-europe-de-la-contamination-par-les-pfas_6162942_4355770.html
(2) Les problèmes de santé liés à une exposition prolongée aux PFAS comprennent :
– Taux de cholestérol élevé, obésité
– Diminution de la réponse des anticorps, affectant la réaction aux vaccins
– Faible poids à la naissance chez les nourrissons
– Maladies de la thyroïde
– Cancer du rein
– Cancer des testicules
– Changements dans la fonction hépatique, effets immunotoxiques
– Hypertension artérielle pendant la grossesse
https://www.anses.fr/fr/content/pfas-substances-chimiques-persistantes
(3) PFAS trouvés dans la Gondoire et consignés sur le site
https://naiades.eaufrance.fr/acces-donnees#/physicochimie :
Acide perfluoro-octanoïque (PFOA / formes linéaires et ramifiées), Acide perfluoro-n-heptanoïque, Acide perfluoro-n-hexanoïque, Acide perfluoro-n-pentanoïque, Acide perfluoro-dodecanoïque, Acide perfluoro-n-nonanoïque, Acide perfluoro-decanoïque, Acide perfluoro-n-undecanoïque, Acide perfluorodecane sulfonique, Acide sulfonique de perfluorooctane (gelé), Acide perfluorohexane sulfonique (PFHxS / Formes linéaires et ramifiées), Acide sulfonique de perfluorooctane (PFOS / formes linéaires et ramifiées), Acide sulfonique de perfluorobutane
(3bis) Les données extraites de la base Naïade qui ont servi à construire cet article
https://ntvnews.fr/nomenclature_gondoire.php
(4) Qu’est ce qui favorise le transfert de PFAS à partir de sols contaminés dans les eaux souterraines ?
https://www.actu-environnement.com/ae/news/pfas-sol-travaux-experimentaux-ineris-contamination-mousses-anti-incendie-eaux-souterraines-45720.php4
(5) https://www.ineris.fr/sites/ineris.fr/files/contribution/Documents/Ineris-%20210490-2773677-RAP-SIT06-%20OpB-%20d%C3%A9gradation-PFAS-incinerateur%20v1.pdf
(6) Un arrêté ministériel prévoit d’engager à partir de 2026 l’analyse de substances PFAS dans les émissions atmosphériques d’installations d’incinération de déchets.
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000050479313
(7) Selon la méthodologie de mesurage proposée par l’Ineris.
https://www.ineris.fr/fr/ineris/actualites/pfas-point-contributions-ineris-plan-action-interministeriel
(8) En attendant ces avancées, il est impératif d’assurer un suivi
précis de la présence et du devenir des PFAS. Leur émission dans l’environnement doit être totalement interdite.
https://www.academie-sciences.fr/la-pollution-aux-pfas-etat-des-lieux-des-connaissances-et-enjeux-de-societe
(9) https://france.apave.com/Actualites/News/PFAS-polluants-eternels-sous-surveillance