PFAS dans la Gondoire, l’enquête avance...
L’enquête citoyenne menée par l’association Coteau & Vallée de la Marne se concentre sur une chronologie des activités industrielles locales pour tenter de comprendre l’origine d’une pollution aux PFAS qui ne faiblit pas. Un enjeu environnemental et de santé.
L’analyse de l’historique de pollution de la Gondoire a mis en évidence la présence de nombreux PFAS. Le détail de ces résultats est éclairant : quinze de ces polluants sur vingt sont identiques à ceux que la nouvelle réglementation impose désormais de rechercher dans les fumées des incinérateurs. Ce lien direct place logiquement les incinérateurs du SIETREM (1) et du SIAM (2) au cœur de l’enquête, sans pour autant écarter d’autres contributions potentielles.
L’Unité de Valorisation Énergétique du SIETREM, dont les fours ont été mis en service en 1985 et 1995, a fonctionné durant des décennies avec des systèmes d’épuration des fumées moins performants, voire inexistants, que les technologies en cours aujourd’hui.
À l’époque où la dangerosité des PFAS était encore méconnue, des rejets atmosphériques ont pu entraîner des retombées de ces polluants éternels sur l’ensemble du bassin versant. Pourtant, comme le souligne Christian Robache, président du SIETREM, les installations concernées ont « toujours été en conformité avec la législation, voire en deçà des normes exigées ».
L’idée principale est que les sols environnants sont gorgés d’une pollution accumulée au fil des décennies, agissant comme une éponge. À chaque forte pluie, cette « éponge » est pressée, relâchant les polluants qui sont alors emportés vers la Gondoire ou arrachés à ses sédiments (notre encadré).
Le paradoxe : pourquoi la pollution ne diminue-t-elle pas ?
Si seule cette pollution historique était en cause, la contamination devrait logiquement diminuer avec le temps par dilution. Or, les mesures indiquent une stagnation, voire une tendance à la hausse. C’est le paradoxe qui amène à la question cruciale : cette « éponge » historique n’est-elle pas encore alimentée par des rejets actuels ?
La question des rejets actuels se cristallise autour de la température nécessaire à la destruction des PFAS, que l’INERIS, l’expert national des risques, fixe entre 1300 et 1400°C.
Le SIETREM fonctionne à plus de 1000°C. Son président reconnaît que cela « minéralise une majorité des PFAS », ce qui sous-entend qu’une partie pourrait ne pas être détruite et être rejetée dans l’atmosphère.
Le SIAM incinère à seulement 850°C les boues de sa station et les résidus de méthanisation depuis 2023. Son président, Jacques Delporte, admet avec transparence que « la compréhension actuelle du devenir des PFAS lors de l’incinération est limitée » et que les concentrations de polluants non mesurés sont « certainement sous-estimées ».
L’hypothèse d’une accumulation se dessine alors : la pollution ancienne des sols serait constamment réalimentée par des rejets actuels, même faibles, provenant des deux incinérateurs.
« Passer des hypothèses aux certitudes »
Dans cette optique, l’association citoyenne demande que trois actions soient menées prioritairement.
Mesurer les rejets actuels : l’association Coteau & Vallée de la Marne demande l’application sans délai de l’arrêté ministériel d’octobre 2024, qui impose de mesurer la présence d’une vingtaine de PFAS dans les rejets atmosphériques des incinérateurs, l’association suggère que le SIETREM et le SIAM « devance l’appel » du Préfet en menant ces analyses de leur propre initiative. C’est chose faite pour le Siam, le syndicat a sollicité le concours et l’expertise d’une société pour effectuer des analyses des effluents gazeux de l’incinérateur.
Cartographier la pollution des sols et de la Gondoire : l’association juge crucial de lancer une vaste campagne de prélèvements pour cartographier précisément la zone géographique impactée par des décennies de retombées potentielles. Cela permettrait de mesurer l’étendue et l’intensité de la contamination dans les sols agricoles et les jardins des riverains, tandis que des prélèvements répétés d’eau et de sédiments le long des 12 km de la Gondoire viseraient à repérer d’éventuelles zones de rejets.
Réaliser une étude épidémiologique sur l’imprégnation des populations vivant à proximité des sources de PFAS car au-delà de l’urgence écologique, c’est bien la question de l’impact sanitaire à long terme sur les habitants qui est posée.
Le ru de la Gondoire n’est finalement que le symptôme visible d’une contamination bien plus profonde et insidieuse. L’enjeu principal est désormais de quantifier cet ennemi invisible pour prendre la mesure réelle de son emprise sur le territoire et, à terme, déployer les solutions de dépollution qui s’imposeront.
C’est désormais aux services de l’Etat qu’il revient de s’approprier les enjeux mis en évidence par la société civile, et d’apporter les solutions, financements et dispositifs de recherche suffisants pour y répondre.
(1) Syndicat mixte pour l’enlèvement et le traitement des résidus ménagers
(2) Syndicat Intercommunal d’Assainissement de Marne-la-Vallée
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Cet article repose sur des données publiques et des interrogations légitimes. Les entités mentionnées disposent d’un droit de réponse, que la rédaction s’engage à publier.
Des pics de pollution aux origines distinctes

(source BRGM)
Octobre 2019 : Un pic qui pourrait être attribué au lessivage des retombées de l’incendie du centre de tri du SIETREM durant l’été 2019. La signature chimique, avec 84 % de PFAS à chaîne courte, est jugée caractéristique de la combustion de ce type de déchets.
Mai 2024 : Un autre pic, provoqué par de très fortes pluies, présente une signature chimique différente (63 % de PFAS à chaîne longue), plus cohérente avec le « bruit de fond » de la pollution historique observée les années précédentes.